Le destin croisé de deux grands écrivains du XXe siècle se dessine à travers leur correspondance : Roger Martin du Gard (1881-1958), l’auteur des Thibault, une grande fresque familiale pour laquelle il obtint en 1937 le prix Nobel de littérature et Stefan Zweig (1881-1942), l’écrivain à succès de l’Entre-deux-guerres.
À travers ces lettres échangées entre 1931 et 1941, se dessine une relation d’amitié entre deux intellectuels, bientôt confrontés à la courbe tragique des événements. La rencontre a lieu au moment où tous deux ont acquis une notoriété certaine dans les milieux littéraires. Mais paradoxe de l’histoire, c’est aussi un temps de bouleversements majeurs pour les sociétés européennes, confrontées à la grave crise économique des années 1930 et à la montée des totalitarismes, qui aboutiront à la Seconde Guerre mondiale. Les deux écrivains ont en commun un attachement viscéral à la liberté de l’individu et une opposition farouche à la guerre, symbole de régression de la société occidentale et de ses valeurs. Ouverts et tolérants, ces humanistes se posent en défenseurs d’une culture menacée par un retour des forces obscures de la nature humaine. Est-ce le privilège des écrivains de « sentir » le malaise d’une époque et les malheurs à venir ? Profondément pessimistes sur l’avenir, l’un se survivra en s’immergeant dans son travail d’écrivain tandis que l’autre quittera volontairement la vie avant que la paix ne revienne en Europe.
Jean-Yves Brancy est Docteur en histoire contemporaine. Ses recherches portent sur les écrivains de l’Entre-deux-guerres et plus particulièrement sur le genre épistolaire. Il a dirigé entre 2014 et 2016 l’édition en trois volumes de la correspondance Romain Rolland – Stefan Zweig, projet auquel était associé la Fondation La Poste.
Entretien avec Jean-Yves Brancy : Florilettres 153