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Les Cartes postales de Michel Butor

C’est à Albuquerque, lors d’une tournée de conférences aux États-Unis, que Michel Butor – poète, romancier, enseignant, essayiste, critique d’art et traducteur français 1926 2016 – délaisse la photographie qu’il a pratiquée de 1951 à 1961 pour s’adonner aux assemblages de cartes postales qu’il adresse à ses divers correspondants. Commencés comme un amusement, ils deviennent, au fil du temps, de plus en plus élaborés et se diversifient selon les destinataires. Le livre est le résultat de la photographie de plusieurs centaines de cartes postales échangées entre Michel Butor et quelques-uns de ses nombreux amis.

Pauline Basso a étudié ces assemblages avec une grande attention et Adèle Godefroy les a photographiés. Cette activité parallèle à l’œuvre du grand écrivain est montrée pour la première fois dans cet ouvrage. Mireille Calle-Gruber s’attache à mettre l’accent sur l’importance de la correspondance dans l’œuvre de Michel Butor, qui est encore – à elle seule – un continent inédit.

« Très tôt dans la vie de Michel Butor, communiquer ce fut écrire. Ce fut d’abord écrire sur les lèvres, sur ses propres lèvres d’enfant, afin que sa mère, atteinte de surdité précoce, puisse lire. L’autre façon de parole sourde, – voix sans voix – ce fut l’écriture éphémère avec l’usage de l’ardoise magique. Objet pratiquement disparu aujourd’hui, que Michel Butor décrit ainsi : « une espèce de carte faite de couches de papiers spéciaux superposés. Un petit stylet permettait d’écrire un texte, puis, dès que la personne avait lu le texte, on pouvait l’effacer aussitôt, d’un geste qui faisait coulisser les papiers les uns sur les autres ». 
Plus qu’un effacement, cette inscription provisoire produisait une sorte d’effet de prestidigitation, un envol magique des mots ailleurs.
L’assemblage des cartes découpées, composées, ailées, puis dépêchées aux quatre coins du monde se révèle être le phénomène d’une archéologie de l’écriture butorienne. Ou, si l’on préfère, le faire-part d’une expérience langagière vécue et éprouvée au plus intime. C’est l’adresse à un ami plus qu’à un lecteur ; plus qu’une information, c’est une complicité, une confidence. Une invitation à embarquer avec lui, Michel, dont la signature même est le tracé d’un envol.
Les collages de Butor se présentent bien comme une « espèce de carte faite de couches de papiers spéciaux » : à ceci près que ces papiers composés sont des extraits d’œuvres personnelles ou réalisées avec des amis, les réminiscences d’un voyage, d’une lecture, d’un événement ancien ou récent, et qu’ils apportent un foisonnement d’informations u-chronique et ubiquitaire.…./…
C’est avec sa mère Anne Emma Marie dite Annette, que Michel Butor entretient sa première correspondance assidue, lettres et cartes postales. La destinataire dépositaire les a conservées et soigneusement organisées en classeurs qu’elle intitule « Lettres à sa mère ». Le plus ancien est daté « 1945 à 1951 », le dernier « 1961 à 1965 ». Où l’on constate que le brillant étudiant qui commence à faire carrière à Paris est aussi l’enfant-voyageur qui écrit quotidiennement à sa mère – elle qui croit en lui. S’il n’y a pas encore de cartes-collages, on trouve déjà la réunion d’éléments lapidaires, un itinéraire dans le nord de la Grèce, le surgissement du paysage, l’état du roman en cours : « Salonique, le 12 mars 1955 : deuxième partie de l’Emploi du temps terminée ». Et parfois, la description d’un tableau d’impressions comme une capsule d’espace-temps qu’il n’appelle pas encore « génie du lieu »…… »

Lieu

Bourg-sur-Gironde

Dates

Le