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Entretien avec Fabienne Jacob. Propos recueillis par Nathalie Jungerman

FLoriHebdo#12, 9 juin 2020

Entretiens

Fabienne Jacob est née en Lorraine, près de la frontière allemande. Elle a enseigné à Mayotte avant de rejoindre Paris où elle se consacre à l’écriture. Elle publie chez Buchet-Chastel et Gallimard (dernier ouvrage paru : Un homme aborde une femme, Buchet-Chastel, 2018). Son roman Corps a obtenu le Prix Thyde Monier 2010 de la Société des gens de lettres et a figuré sur la sélection du prix Femina. Fabienne Jacob anime des ateliers d’écriture auprès de tout type de public. Dans le cadre du projet « Réparer le langage, je peux », elle a animé des ateliers dans des classes de 5e et de 3e.


Dans le cadre du projet « Réparer le langage, je peux », vous avez animé des séances d’écriture dans des collèges. Quelles en ont été les différentes étapes ?

Fabienne Jacob J’ai animé des ateliers d’écriture dans une classe de 5e, il y a trois ans, et ces deux dernières années, auprès d’élèves de 3e. Le travail est très différent selon le niveau scolaire et le public. Les élèves de 3e de cette année, qui étudiaient dans un collège parisien et qui avaient pour professeure Marie-Hélène Lafon, également écrivaine, prenaient complètement en charge le projet. Il fallait chaperonner davantage les élèves de 5e, – ils sont beaucoup plus jeunes –, les stimuler, leur souffler des idées. Ils étaient, quant à eux, dans un établissement des Apprentis d’Auteuil à Bagneux. Ce n’est donc pas du tout le même travail selon le public.
Je suis présente dès la première séance, j’explique ce qu’on va faire. Je lance des pistes d’histoires, de fictions. Puis, lorsque le sujet est choisi, on mûrit de plus en plus les personnages et le scénario. Ensuite, on se lance dans l’écriture du récit.
Au départ, il y a beaucoup de discussions, de débats, de prises de notes : on écrit les sujets qui fonctionneront ou pas, on voit si ça plaît au plus grand nombre. Certains préfèrent des histoires à d’autres. Les élèves se chamaillent et c’est la majorité qui a le dernier mot. Mais parfois, nous (auteure et professeure) essayons de donner la prime à l’originalité. Il nous arrive de soutenir une idée qui nous paraît très bien et qui a peu de suffrage.

Comment se passe, en pratique, l’écriture collective ?

F.J.  On procède par demi-groupes. Environ une douzaine d’élèves dans chaque groupe. Quelqu’un lance une phrase, l’autre l’améliore, le professeur anime et l’écrivain consigne les phrases. On leur souffle parfois des adjectifs, des termes qui pourraient être plus appropriés, mais ce sont eux qui écrivent leur texte. C’est ainsi avec les classes de 3e. Je devais évidemment beaucoup plus aider les élèves de 5e. Je leur ai proposé une série de petits jeux littéraires, dictionnaire poétique, portrait chinois, pour savoir ce qu’ils aiment. Par exemple, décrire une école, une saison avec des définitions du dictionnaire poétique. Ce procédé libère les langues et les inspirations. Les élèves s’aperçoivent que ce n’est pas aussi sérieux que ce qu’ils croyaient, que l’exercice fait principalement appel à leur imaginaire. Ils sont moins réticents. Les 3e n’en ont pas besoin, ils vont directement à l’histoire.

Que retenez-vous de ces expériences ?

F.J. La grande inventivité, la grande fraîcheur des élèves, que ce soit des petits de 5e dans des quartiers et des classes difficiles ou des 3e de Centre-ville. Je les trouve vifs, rapides, ingénieux, poétiques souvent. C’est toujours une surprise pour moi. J’avais une classe relativement faible il y a trois ans, et les deux dernières années, une classe avec des élèves beaucoup plus à l’aise. Ce ne sont pas du tout les mêmes aptitudes, mais ça ne veut pas dire qu’un texte va être mieux qu’un autre. Au final, ils produisent de très beaux récits. Les uns partent d’un peu plus loin, et il faut les aider, mais la créativité est partout. C’est à chaque fois une belle expérience, émouvante.

Quel a été le sujet cette année ?

F.J. La fin de la Première Guerre mondiale, le retour d’un père amoché alors que la famille se porte parfaitement bien. Dans le premier chapitre, le père pousse la porte du jardin, ses proches ne le reconnaissent pas. Et pour cause, il a changé physiquement mais surtout affectivement, mentalement. Il est complètement détruit et s’adonne à l’alcoolisme. La petite famille vole en éclats, mais va tenir bon malgré les vents mauvais.

Allez-vous continuer ces ateliers ? Et est-ce qu’ils peuvent nourrir vos propres livres ?

F.J. Oui, je vais continuer, si on fait appel à moi ! J’adore être au contact de cette jeunesse qui m’épate toujours.
Il est arrivé parfois que des ateliers avec adultes éclairent mon inspiration, stimulent en moi des choses endormies qui se réveillent à cette occasion. Soit, je n’avais pas pensé à traiter tel sujet de la sorte ; soit, je trouvais bonne l’idée exprimée. Mais ceci n’a pas eu lieu dans les ateliers avec adolescents, ce qui ne veut rien dire quant à la qualité de leurs textes.


Le retour

Et si, sombrant dans l’alcoolisme depuis qu’il est revenu de la guerre, André l’instituteur terrorisait sa femme et ses enfants ?

Collège Saint-Exupéry (Paris – XIVe arrondissement)
Illustrations de : Rachel Verdier et Eléa Germain-Phion
Avec le parrainage de Fabienne Jacob, écrivaine

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