FloriLettres

Édito mars 2017. Par Nathalie Jungerman

Alexandre de Humboldt, Lettres à Claire de Duras

Édito

C’est un volume de correspondances remarquablement édité (Manucius, mai 2016) que le prix Sévigné soutenu par la Fondation La Poste a couronné le 8 mars dernier au musée Eugène Delacroix à Paris. Il s’agit des lettres, jusqu’alors inédites, du voyageur et scientifique prussien Alexandre de Humboldt (1769-1859) à Claire de Duras (1777-1828), duchesse et romancière qui anime le salon parisien le plus en vue de son époque fréquenté par Chateaubriand, son « frère d’âme », Mme de Staël, Talleyrand, Wellington, Rostopchine, Abel-Rémusat, Liszt encore enfant, le peintre Gérard... et bien sûr Humboldt, avec qui elle a noué une amitié étroite à partir de 1814. Si le grand savant qui rédige et publie en français son Voyage aux régions équinoxiales du Nouveau Continent (30 volumes) possède toutes les sciences selon Chaptal, Mme de Duras est évoquée par Chateaubriand dans les Mémoires d’Outre-tombe en ces termes : « La chaleur de l’âme, la noblesse du caractère, l’élévation de l’esprit, la générosité du sentiment, en faisaient une femme supérieure ». Les deux premiers romans de la duchesse parus de son vivant, Ourika et Édouard, rencontrent un succès international et son talent est salué non seulement par Humboldt, Chateaubriand, Cuvier, mais aussi par Goethe. L’auteur des Souffrances du jeune Werther lui écrira en mai 1827 : « [Vos] ouvrages si pleins d’esprit et de goût, si profondément sentis, sont au nombre des fleurs les plus belles et les plus gracieuses dans le jardin de la vie. » Spécialiste de Chateaubriand et de Balzac auquel elle a consacré sa thèse de doctorat en littérature, Marie-Bénédicte Diethelm a travaillé à la reconnaissance posthume de Claire de Duras. Grâce à ses recherches passionnées, les romans dont les manuscrits étaient demeurés introuvables depuis la mort de la duchesse sont édités chez Gallimard et Manucius. Marie-Bénédicte Diethelm est l’auteur de l’excellent appareil critique qui éclaire, enrichit, contextualise les lettres d’Alexandre de Humboldt à sa grande amie. Et bien que la plupart des lettres de Mme de Duras sont manquantes, cette correspondance à une seule voix (ou presque) forme une conversation, vivante et pleine d’esprit. L’édition est préfacée par Marc Fumaroli de l’Académie française.